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Lunático
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Lunatique
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Vou abrir minha janela sobre a noite.
E já bem noite, a lua, alta a um terço do seu arco, terá de deslizar pelo meu quarto adentro, e passear sobre o meu rosto, adormecido e lívido, quando eu sair a sonhar pelas estradas noturnas, sem fim, sem marcos, nem encruzilhadas, que levam à região dos desabrigos… Sonharei com mares muito brancos, de águas finas, como um ar dos cimos, onde o meu corpo sobrenada solto, por entre nelumbos que passam boiando… Ouvirei a rainha do País do Suave Sonho, cantando no alto sempre o mesmo canto, como a sereia do sempre mais alto… E a janela se fecha, prendendo aqui dentro o raio suave que prendia a lua… Para que eu soçobre no mar dos nenúfares grandes, onde remoinham as formas inacabadas, onde vêm morrer as almas, afogadas, e onde os deuses se olham como num espelho. |
Je vais ouvrir ma fenêtre sur la nuit.
Et déjà dans la nuit noire, la lune, haute à un tiers de son arc, devra se glisser au-dedans de ma chambre, et passer sur mon visage, endormi et livide, lorsque rêvant, j'irai le long des routes nocturnes, sans fin, sans repères, ni carrefours, qui conduisent à la région des sans-abri… Je rêverai de mers très blanches, d'eaux aussi aiguisées que l'air des cimes, où surnage mon corps dissolu, à l'orient des lotus qui flottent à mes côtés… J'écouterai la reine du Pays du Doux Rêve, toujours là-haut chantant la même chanson, pareille à la sirène du toujours-plus-haut… Et la fenêtre ici se referme, piégeant le doux rayon qui retenait la lune... Pour que je m'enfonce dans la mer des grands nénuphars, où les formes inachevées tourbillonnent, où les âmes, noyés, viennent mourir, et où les dieux comme en un miroir se regardent. |
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Claude Monet Nymphéa bleu (1916-1919) |
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